Droit de préemption : définition, fonctionnement, recours
Selon la définition donnée par le Conseil supérieur du notariat, le droit de préemption est le "droit légal prioritaire d'achat au bénéfice des particuliers et de certaines collectivités nécessitant une notification préalable". Il s'agit en effet d'un droit dont les collectivités publiques, et en particulier les communes, disposent pour se porter en priorité acquéreur d'un bien mis en vente s'il est situé dans certaines zones où il est, par exemple, envisagé de construire des logements sociaux, de créer des équipements collectifs, de démolir des immeubles insalubres, etc., bref, où des opérations d'intérêt général sont projetées. Les propriétaires et les locataires d'un bien préempté doivent se soumettre à une telle mesure, mais ils disposent de droits et de recours en la matière.
Qu'est-ce que le droit de préemption ? Dans quels cas s'applique-t-il ?
On désigne par droit de préemption, et plus précisément par droit de préemption urbain (DPU), la faculté dont dispose l'État, un département, une commune, ou encore un établissement de coopération intercommunale, de se porter acquéreur d'un bien immobilier en priorité, à l'occasion de sa vente ou d'une donation, hormis si cette dernière est réalisée entre personnes d’une même famille.
Le droit de préemption peut s'appliquer à des biens tels qu'une maison individuelle, un immeuble en copropriété ou un terrain (agricole, constructible, etc.), à usage d’habitation principale, professionnel, ou les deux, qui appartient à un particulier ou à une personne morale (entreprise, association, etc.). Le droit de préemption peut s'appliquer à l'ensemble d'un bien ou seulement à l'une de ses parties.
Le droit de préemption concerne des biens immobiliers situés dans des zones bien définies, que l'on appelle logiquement des zones de préemption, par les communes ou les communautés de communes et qui font l'objet d'une délibération dans ce sens de la part de ces instances. Ces zones acquièrent ce statut car des opérations d'intérêt général y sont prévues comme, par exemple, la création d'équipements collectifs, de logements sociaux, la reconstruction d'un quartier, des opérations pour lutter contre l'insalubrité du lieu, etc.
La loi précise également que le droit de préemption d'une collectivité peut s'exercer dans le but d'anticiper les conséquences de l’érosion littorale sur la gestion des sols, de protéger des espaces naturels, des domaines nationaux et des commerces de proximité (les cessions de fonds artisanaux, de commerce, de baux commerciaux ou de terrains à usage commercial sont soumises au droit de préemption dans ce cas).
Quand une zone est préemptée, la délibération prise par la collectivité publique doit comporter les motivations de cette décision et être portée à la connaissance des habitants. Cette délibération doit ainsi être affichée, en particulier dans la mairie de la commune concernée, pendant un délai de 2 mois, et faire également l'objet d'une publication dans les journaux locaux.
La vente d'un bien immobilier concerné par un droit de préemption, quelle procédure ?
À l'occasion de la vente d'un bien immobilier, le notaire chargé de cette transaction est tenu de s'assurer, pour le compte du vendeur, que son bien n'est pas préempté.
Quand le droit de préemption s'applique et qu'un bien est concerné, son propriétaire n'est en effet pas libre de le vendre à la personne de son choix. Il doit, en priorité, proposer cette vente à la collectivité publique qui a défini le lieu où se situe son bien comme une zone de préemption.
Cette proposition d'achat destinée à la collectivité concernée en priorité est généralement réalisée par le notaire chargé de la vente. Ce dernier envoie alors à cette collectivité un document appelé "Déclaration d’intention d’aliéner (DIA) ou demande d’acquisition d’un bien soumis à l’un des droits de préemption prévus par le code de l’urbanisme", soit le cerfa n° 10072*2, qui mentionne le prix et les conditions de vente du bien, ainsi que certaines informations liées à son environnement. Cette DIA constitue ainsi une offre de vente.
Ce document en main, la collectivité, le plus souvent une commune, dispose de 2 mois pour se prononcer et durant lesquels elle peut demander des renseignements complémentaires au vendeur ou solliciter une visite du bien, ce qui a pour conséquence de suspendre ce délai de 2 mois jusqu'à la réalisation de ces demandes.
La commune peut décider ne pas acheter le bien préempté mis en vente par son propriétaire. Dans ce cas, le propriétaire est alors libre de le vendre à qui il veut, mais dans un délai de 3 ans maximum. Sans réponse de la commune au-delà du délai de 2 mois, son silence vaut comme un refus d'acheter le bien.
La commune peut aussi choisir de devenir l'acquéreur du bien préempté en acceptant les conditions de vente de son propriétaire ou en négociant ces dernières.
Dans le premier cas, le vendeur et la commune signent un acte authentique pour conclure la vente. La collectivité dispose ensuite d'un délai de 4 mois pour régler le paiement de la vente. Pendant ce délai, le propriétaire conserve la jouissance de son bien.
Si la commune se porte acquéreur du bien préempté mis en vente mais émet des réserves sur les conditions de cette transaction, en particulier souhaite négocier son prix et fait une contre-proposition, elle doit dans les 2 mois qui suivent la réception de la DIA proposer au propriétaire son prix d'achat par lettre recommandée avec avis de réception. Ce dernier dispose alors de 2 mois pour informer la commune de sa décision, c'est-à-dire accepter le prix proposé ou maintenir le prix qu'il a lui-même défini.
Si le propriétaire refuse de négocier le prix de vente et n'accepte pas celui proposé par la commune, les 2 parties ont la possibilité de saisir le tribunal judiciaire pour trancher la question.
Si la commune est à l'origine de cette procédure, cette dernière doit bloquer 15 % du prix de vente du bien préempté auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
Une fois la décision du tribunal connue, le propriétaire et la commune doivent faire part de leur réponse (accord ou non) dans un délai de 2 mois. Sans réponse des 2 parties dans ce délai, la vente est considérée comme conclue au prix défini par le tribunal et elle fait l'objet de la signature d'un acte authentique dans les 3 mois. La commune doit ensuite régler le prix de la vente au propriétaire dans les 4 mois.
Quelles conséquences si le bien préempté est loué ?
Un locataire peut aussi être concerné par un droit de préemption si son logement est ciblé par cette mesure. Cela peut être le cas, par exemple, si une commune souhaite réaliser des travaux pour restaurer un bien immobilier ou bien le démolir.
Un locataire n'a aucun droit de s'opposer à ce droit de préemption : il doit quitter son logement si les travaux projetés par la commune l'exigent.
Deux situations peuvent alors se présenter. Le locataire a la possibilité d'informer la collectivité par lettre recommandée avec avis de réception qu'il souhaite résilier son bail. Cette dernière est alors tenue de lui verser des indemnités s'il y a lieu, en particulier si le locataire a réalisé des travaux pour améliorer son logement.
Sinon, un locataire qui doit quitter son logement dans le cadre du droit de préemption exercé par une commune doit obligatoirement bénéficier d'un relogement de la part de cette dernière. Le logement ainsi proposé doit être conforme à ses besoins et à ses capacités financières.
La possibilité de rachat d'un bien immobilier préempté
L'ancien propriétaire d'un bien concerné par un droit de préemption et qui a été acheté par une commune a la possibilité de se porter acquéreur de ce bien si la commune n'utilise pas ce bien à des fins prévues dans le cadre de son droit de préemption, c'est-à-dire si elle ne réalise pas une opération d'intérêt général comme l'exige la loi, ou si elle utilise ce bien pour une autre raison que celle mentionnée au départ dans sa décision de préemption prise par délibération.
En effet, dans ce cas, l'ancien propriétaire est prioritaire pour racheter son bien immobilier.
La commune doit alors lui présenter une offre de vente, et en particulier le prix auquel elle souhaite proposer le bien, par lettre recommandée avec avis de réception. L'ancien propriétaire a 2 mois pour accepter de racheter le bien au prix proposé par la mairie, pour renoncer à ce rachat ou pour négocier son prix. Sans réponse de sa part dans ce délai, il est considéré comme renoncer au rachat de son ancien bien qui a fait l'objet d'un droit de préemption.
En cas de désaccord sur le prix de vente proposé par la commune, les 2 parties peuvent saisir le tribunal judiciaire afin que ce dernier fixe le montant de ce prix.
Si l'ancien propriétaire n'est pas d'accord avec le prix défini par le tribunal, la commune doit proposer ce rachat à la personne qui avait l'intention d'acheter le bien au départ, soit avant qu'elle se décide de se porter acquéreur du bien préempté, si cette situation s'est présentée.
Une commune qui ne respecte pas cette procédure peut être condamnée à verser des dommages et intérêts à l'ancien propriétaire ou à la personne qui s'était portée acquéreur au départ si ces derniers font un recours auprès du tribunal.
Ce recours doit être fait dans les 5 ans qui suivent l'achat d'un bien préempté par la commune et doit apporter les preuves que cette dernière n'a pas utilisé ce bien comme prévu dans sa décision de préemption le concernant et que cette situation porte préjudice à l'ancien propriétaire ou acquéreur.
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