Travaux mal réalisés : comment faire un recours ?
Les malfaçons ne sont fort heureusement pas monnaie courante. Toutefois, si des travaux mal réalisés viennent à être constatés, le maître d’ouvrage est en droit d’agir. Mais comment et par quel biais ? Il est important de bien connaître ses droits en tant que consommateur, ainsi que les garanties qui nous protègent en cas de malfaçon. Voici les recours envisageables, et quelques conseils pour éviter d’en arriver à une action en justice, qui n’est souhaitable pour personne.
La mise en cause de la responsabilité du professionnel
La loi Spinetta de 1978 a instauré la responsabilité du constructeur dans le Code de la construction. Pourquoi ? Et bien parce qu’auparavant, un flou juridique en cas de dommage constaté et avéré ne permettait pas d’aboutir à un consensus satisfaisant, ni pour le maître d’ouvrage, ni pour le constructeur. Grâce à cette loi, les travaux réalisés par les constructeurs peuvent les tenir responsables, notamment de malfaçon, pendant les dix années qui suivent la réception des travaux. Résultat d’un défaut de compétence, d’un manque de personnel, d’un agenda trop chargé, de mauvais matériaux, de mauvais outils, ou autre, les malfaçons regroupent l’ensemble des défauts et imperfections observés.
Sont considérés comme constructeurs l’ensemble des corps de métier du bâtiment, qu’il s’agisse des artisans, des architectes, des techniciens de bureaux d’étude, etc. Pour couvrir sa responsabilité sur la durée de garantie, le constructeur devra souscrire une assurance décennale en plus de son assurance responsabilité civile professionnelle. De l’autre côté, le maître d’ouvrage doit souscrire une assurance dommage ouvrage qui lui facilite l’indemnisation en cas de dommage impactant la structure du bâti ou de ses éléments indissociables, ou encore le rendant impropre à sa destination.
Les recours du maître d’ouvrage en cas de malfaçon
Dans un premier temps, il convient de prendre le temps de constater les travaux au moment de la réception. Bien souvent, le maître d’ouvrage est distrait par une excitation, voire une euphorie bien naturelle. Mais cette satisfaction de récupérer son bien après les travaux ne doit jamais se substituer à l’importance de contrôler le résultat par un œil avisé. C’est alors le moment de poser toutes vos questions pour comprendre comment les travaux se sont déroulés, comment fonctionne chaque équipement, pourquoi tel matériau est installé à tel endroit, etc. Il n’y a jamais de mauvaise question.
Suite à cette visite de contrôle, le procès-verbal dressé doit être signé. Les malfaçons apparentes doivent impérativement y êtrelistées, ou d’autres notées avec un avis réservé. Si aucune réserve n’est mentionnée à ce moment là, il ne sera pas possible d’exiger réparation auprès du constructeur, sauf s’ils entrent dans l’une des trois garanties légales du maître d’ouvrage, que l’on exposera dans un autre paragraphe. Il est possible de demander à un expert du bâtiment d’être présent lors de la réception des travaux. Il aura l’œil aguerri que vous n’aurez peut-être pas à ce moment-là.
Lorsqu’une malfaçon est constatée, le maître d’ouvrage dispose de plusieurs recours pour faire réparer le dommage subi, exposés crescendo ci-dessous.
Le premier recours : le dialogue
Le premier recours est assurément le dialogue. La majorité des professionnels saura entendre les revendications d’un client insatisfait. L’erreur est humaine, et il est possible pour diverses raisons qu’un chantier ne se soit pas déroulé dans les meilleures conditions, entraînant ainsi un résultat plutôt décevant. Quoi qu’il en soit, un dialogue sain, cordial et respectueux sera de mise, dans le propre intérêt du maître d’ouvrage. Généralement, après être venu constater et confirmer la mauvaise réalisation des travaux, le professionnel conviendra de reprendre les éléments défectueux ou mal réalisés à ses frais.
On le sait, une réputation et un réseau mettent des mois, voire des années à se construire, au fil des chantiers, des retours positifs des clients, et du bouche à oreille. En revanche, un seul client insatisfait suffira à démolir tout ce travail de tissage d’un réseau. L’entrepreneur aura tout intérêt à réparer son erreur pour éviter que son savoir-faire ne soit terni et remis en cause.
La seconde étape : le courrier RAR
Si le constructeur ne donne pas suite, voire ne répond même pas à vos sollicitations, ou bien laisse entendre qu’il n’assumera pas sa responsabilité dans la mauvaise réalisation des travaux, la seconde étape consiste à recourir à l’envoi postal en recommandé avec accusé de réception. Pour aller plus loin, ce n’est pas un simple conseil. Il est indispensable d’envoyer ce courrier en RAR dès lors que le dialogue est fermé ou conflictuel.
Le contenu du courrier devra préciser les éléments saillants dans l’intervention du constructeur, et notamment les dates ou périodes et les travaux réalisés. Egalement, l’historique des échanges ou tentatives d’échanges téléphoniques, sms ou mail devront être retranscrits pour prouver la tentative d’accord amiable engagée par le maître d’ouvrage. Enfin, les défauts constatés devront être explicités, photos à l’appui, et les dispositions légales engageant la responsabilité du constructeur devront lui être rappelées. Le courrier prendra alors la tournure d’une mise en demeure, pour obliger le constructeur à réagir, sans faire intervenir un tiers à ce stade.
La troisième étape : associer un tiers conciliateur
Sans réponse au courrier recommandé, l’étape suivante sera de faire appel à un conciliateur. Sans parti pris, son intervention aura pour objectif d’apaiser le dialogue, voire tout simplement de parvenir à l’instaurer, afin que chacun puisse exposer un point de vue et entendre celui de l’autre, avec pour finalité de dégager un compromis acceptable par les deux parties. Si tel est le cas suite à la médiation, un constat sera rédigé par le conciliateur et déposé au tribunal judiciaire. La démarche s’arrêtera là puisque chacun se sera engagé à tenir l’accord conclu. En revanche, si aucun accord n’est trouvé, ou que le constructeur n’a pas souhaité répondre positivement à la sollicitation du conciliateur, le temps du recours en justice aura sonné !
L’étape ultime : le recours en justice
Si aucune des étapes présentes n’a porté ses fruits, il faudra alors engager une procédure via une assignation ou une requête adressée au tribunal de proximité ou au tribunal judiciaire. Dans le cas où la malfaçon relève du droit pénal (type abus de faiblesse ou publicité mensongère), il faudra directement aller porter plainte au commissariat ou à la gendarmerie. La requête devra reprendre l’ensemble des éléments transmis lors de la mise en demeure, les preuves de recours à une solution intermédiaire auprès d’un conciliateur, et tous les documents liés, type devis, facture, procès-verbal indiquant éventuellement les réserves relevées. A réception, le tribunal compétent instruira la demande et décidera notamment de l’obligation levée, ou non, du maître d’ouvrage de payer le solde des travaux à l’artisan.
- Pour un litige inférieur à 5000 €, c’est alors le tribunal de proximité qui sera saisi, par requête précédée obligatoirement d’une tentative de médiation, ou par assignation effectuée par un huissier de justice ou un avocat ;
- Pour un litige supérieur à 5000 €, c’est également le tribunal de proximité qui sera saisi, mais uniquement par assignation cette fois-ci. En cas d’avis défavorable du tribunal de proximité, il sera possible de faire appel de la décision devant la Cour de cassation ;
- Pour un litige supérieur à 10 000 €, c’est alors le tribunal judiciaire qui devra être saisi par assignation. La représentation de chacune des parties par un avocat est alors obligatoire.
Après la réception : Les garanties légales qui protègent le consommateur
Fort heureusement, des garanties obligatoires permettent de contester des malfaçons survenues ou décelées après la réception des travaux. Il est tout de même très fréquent de ne pas être en mesure de constater une malfaçon au moment de la réception des travaux. Pourquoi ? Parce qu’il faut d’abord cesser d’attribuer une connotation volontaire à la malfaçon. Une malfaçon reste une erreur de réalisation, qui peut en effet être volontaire, et volontairement dissimulée, mais dans la majorité des cas, elle apparaîtra à l’utilisation, à l’usage de la maison. Par exemple, une canalisation écrasée, provoquant des difficultés d’évacuation, ne sera constatée qu’après quelques semaines. Les premiers temps, l’eau s’écoulera correctement, puis peu à peu, les déchets viendront s’y stocker et réduiront alors encore davantage le passage. La baignoire mettra 5 minutes à se vider, et ce n’est finalement qu’à ce moment là que l’on supposera une malfaçon.
De fait, pour protéger le consommateur qui n’aura pas stipulé de réserve sur le procès-verbal de réception de travaux, trois garanties légales couvrent les risques de malfaçons :
- La garantie de parfait achèvement qui couvre les défauts dus à une mauvaise exécution ou à une non-conformité durant 1 an à réception des travaux ;
- La garantie de bon fonctionnement qui couvre les problèmes liés aux équipements et aux matériels dissociables du logement durant 2 ans à réception des travaux ;
- La garantie décennale qui couvre les dommages liés au gros œuvre durant les 10 années qui suivent la réception des travaux.
Rappelons bien que ces garanties ne prennent pas en compte les dégradations volontaires ou involontaires du propriétaire des lieux, ni celles liées à l’usage ou à l’usure naturelle.
Quelques conseils pour limiter les risques liés aux malfaçons
Pour éviter les démarches juridiques pesantes et contraignantes, tout en conservant la mauvaise réalisation dans l’habitation durant toute la durée de la procédure, voici quelques conseils à suivre :
- Faire appel à des professionnels agréés : Les malfaçons peuvent être dues à la réalisation d’une entreprise qui ne dispose pas des compétences nécessaires, ou qui a délégué la réalisation à un prestataire incompétent. De fait, mieux vaudra s’assurer de l’expérience et des compétences du constructeur, garantis par des labels, notamment RGE (Reconnu Garant de l’Environnement). D’autres certifications spécifiques existent dans chaque corps de métier ;
- Ne pas aller vers le moins cher : En lien avec le conseil précité, mieux vaudra ne pas faire son choix uniquement sur le tarif de l’intervention. Si de gros écarts de facturation sont constatés sur les devis, il faudra rester vigilant à bien comprendre pourquoi cet écart de prix. Si aucune justification n’est évidente, mieux vaudra éviter de faire appel à une entreprise qui brade ses services ;
- Souscrire une assurance dommage ouvrage : Elle est obligatoire, mais ne pas y souscrire n’est pas sanctionné par la loi. De fait, il pourrait être tentant de ne pas y recourir. Or, en cas de malfaçon, cela peut coûter très cher au maître d’ouvrage, qui devra assumer à sa charge les frais de remise en état, dans l’attente de la décision judiciaire du tribunal qui prendra généralement au moins 2 ans ;
- Ne pas payer la totalité du solde avant la réception des travaux : Le maître d’ouvrage peut tout à fait exiger de ne verser qu’un acompte au commencement des travaux, et de ne régler le solde qu’après réception. C’est une forme de garantie d’investissement professionnel du constructeur qui ne voudra pas risquer de travailler sans être payé ;
- Souscrire la protection juridique : Elle est souvent proposée dans les contrats d’habitation, mais c’est une option qui est parfois refusée. Toutefois, lors de gros travaux, il est bon de s’assurer d’en bénéficier. Elle permet de profiter d’un conseil juridique ou de l’assistance d’un avocat dans tout type de procédure judiciaire.
Enfin, pour rebondir sur la connotation, à tord, volontaire d’une malfaçon, elle est aussi souvent le fruit de l’obstination du maître d’œuvre. En effet, il n’est pas rare que les clients aient un projet tout fait en tête, et n’acceptent pas d’entendre et de tenir compte des conseils aguerris du constructeur. Prenons l’exemple d’un peintre. Certains acceptent de peindre des surfaces avec les pots de peinture achetés directement par le propriétaire qui aura souhaité économiser sur la camelote. Dans ce cas, le peintre peut déconseiller un type de peinture, inadaptée à la surface, de mauvaise qualité, trop liquide, trop épaisse, trop matte, trop satinée, etc. Si le client exige que la surface soit tout de même peinte, malgré les conseils du professionnel, et que le résultat n’est pas celui espéré, l’assureur ou le tribunal pourront donner tord au maître d’ouvrage. En bref, mieux vaudra toujours écouter et suivre les conseils des professionnels, même si cela induit de repenser le projet.
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