Fin de la défiscalisation Pinel : quelles conséquences ?
À partir de 2025, la construction de logements neufs destinés à être mis en location à des loyers abordables ne sera plus soutenue par des investisseurs privés en raison de la fin annoncée par le gouvernement du dispositif de défiscalisation Pinel. Ce dernier incite en effet les ménages à investir dans ce type de logements en contrepartie d'une réduction de leur impôt sur le revenu.
Une mauvaise nouvelle donc pour les ménages désireux de profiter d'un avantage fiscal mais aussi pour le secteur de la construction, et du marché immobilier en général, qui craint d'abord un ralentissement des projets immobiliers et donc notamment la suppression de très nombreux emplois dans le secteur, mais aussi la raréfaction des logements locatifs destinés en particulier aux ménages de la classe moyenne.
Fin du dispositif d'investissement locatif Pinel : de quoi parle-t-on ?
Le gouvernement, par l'intermédiaire de la première ministre Elisabeth Borne, a annoncé le 5 juin dernier différentes mesures pour faire face à la crise du logement actuelle (un demande de logements supérieure à l'offre notamment) et pour "garantir l'accès de tous à un logement digne, durable et abordable". Parmi les annonces de la première ministre figure la fin programmée du dispositif de défiscalisation Pinel.
Mis en place en 2014 en soutien au secteur de la construction et dans le but de créer une offre de logements locatifs large, il ne sera plus possible d'utiliser ce dispositif d'investissement locatif après le 31 décembre 2024.
Le dispositif de défiscalisation Pinel s'adresse aux ménages qui investissent dans un logement neuf ou à réhabiliter vide pour le louer dans certaines conditions : pratiquer des loyers (charges comprises) plafonnés définis par l'État, louer leur logement au moins 6 ans, et jusqu'à 12 ans, à des locataires ne dépassant pas certains plafonds de revenus déterminés chaque année par l'État selon la zone géographique du logement et la composition du foyer fiscal du locataire, et investir dans un logement de cette façon dans des zones dites "tendues" en matière de logement (où l’offre de logements disponibles n’est pas suffisante pour couvrir la demande), soit les zones A (grandes villes de la Côte d’Azur et d’Ile-de-France qui ne se situent pas en zone A bis), A bis (Paris et l'Ile-de-France) et B1 (villes de plus de 250 000 habitants), ainsi que les zones couvertes par un contrat de redynamisation de site de défense actif (CRSD), soit des territoires pénalisés par la fermeture de sites militaires et qui ont signé avec l’État ce type de contrat.
En contrepartie, ces ménages bénéficient d’un avantage fiscal, plus précisément d'une réduction de leur impôt sur le revenu. Dans sa version d'origine, le dispositif Pinel offrait un abattement fiscal compris entre 12 % et 21 % du prix du logement (32 % en outre-mer) dans la limite de 300 000 euros pour l’acquisition d’un logement neuf ou ancien réhabilité.
Mais ce moyen de défiscaliser en investissant dans le locatif a déjà été pas mal rogné depuis le début de l'année 2023 (on parle maintenant du "Pinel +") : la réduction d'impôt possible est soumise à des conditions plus restrictives. D'abord géographiques, puisque les logements concernés par la loi Pinel doivent être situés dans un quartier prioritaire de la politique de la ville considéré ainsi en raison de leur situation socioéconomique (bas revenus des habitants, fort chômage, etc.) ou, s'ils sont en cours de construction et s'il s'agit de logements à réhabiliter, ils doivent être situés dans la zone A, A bis ou B1.
Ensuite, depuis le début de l'année, le dispositif Pinel concerne les ménages qui achètent et louent un logement qui répond à certaines conditions en matière de performance énergétique et environnementale. Ces logements doivent ainsi respecter la réglementation environnementale RE2020 définie par la loi évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) qui insiste en particulier sur leur performance d'isolation et leur consommation énergétique, ou justifier d'un diagnostic de performance énergétique de classe A pour ceux dont l'acquisition ou la construction interviendra en 2024.
Enfin, le Pinel +, entré en vigueur début 2023, pose aussi des critères de qualité et de confort en matière de surface habitable et d'espaces extérieurs notamment pour être éligibles à une réduction d'impôt.
Le Pinel + a également diminué l'avantage fiscal dont peuvent bénéficier les ménages qui investissent dans le locatif : il est ainsi aujourd'hui limité à 10,5 %, 15 % ou 17,5 % du montant de l'acquisition selon la durée de location, sauf pour les logements situés en zones prioritaires ou dotés de qualités environnementales maximales.
Pourquoi cet abandon du dispositif Pinel ?
La première ministre a officialisé la fin à partir du 1er janvier 2025 du dispositif Pinel, destiné à développer le parc de logements locatifs et à soutenir le secteur immobilier, en justifiant cet abandon par le fait qu'il était inefficace au regard du coût pour l'État en raison des réductions d'impôt accordées qui constituent un manque à gagner au moment où le gouvernement cherche à faire des économies dans les dépenses publiques.
Comme l'indique l'annexe "voies et moyens" de la loi de finances pour 2023, le dispositif Pinel couterait en 2023 plus d'1,5 milliard d'euros en réductions d'impôt et son incidence budgétaire est prévue jusqu'en 2038 malgré sa fin programmée à partir de 2025.
En effet, si l'annonce de la fin du dispositif Pinel entraine de vives réactions, en particulier dans le secteur de l'immobilier, il faut savoir toutefois que tous les investissements réalisés dans ce cadre d'ici la fin 2024 feront toujours l'objet d'une réduction d'impôt prévue jusqu'au terme de la durée d'engagement, soit pendant 12 ans maximum.
Le dispositif Pinel concerne près de 300 000 ménages en 2023, en particulier des ménages aisés (dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 70 000 euros pour la moitié d'entre eux), comme l'a indiqué la Cour des comptes récemment.
L'institution pointait également dans son rapport que les logements créés grâce au Pinel ne représentent qu'une faible part de la production totale du marché neuf, et de préciser que le coût annuel de ce dispositif est 2 à 3 fois supérieur pour l'État à celui d’un logement social, et pour une durée de location très inférieure.
D'autre part, ce dispositif de défiscalisation est aussi critiqué pour générer une hausse des prix des logements neufs, causée par l'obligation de construire des logements respectueux de normes environnementales et déjà par l'envolée du coût des matériaux de construction.
La location de logements aux loyers plafonnés dépendra d'investisseurs institutionnels
L'une des conséquences de l'arrêt prochain du dispositif Pinel est que le parc de logements mis en location pour les ménages aux revenus qui ne dépassent pas certains plafonds, constitués de personnes qui ne sont pas éligibles au parc social mais qui ne disposent pas de moyens pour devenir propriétaires, donc les classes moyennes, ne sera plus soutenu par des investisseurs particuliers mais par des institutionnels.
Le gouvernement entend en effet mettre à contribution des organismes rattachés à l'État comme Action Logement ou CDC Habitat qui vont être chargés de lancer des programmes d'achat de logements intermédiaires détenus par la Caisse des dépôts (un parc locatif qui s'adresse aux classes moyennes) et de trouver des occupants. La priorité pour le gouvernement étant de gérer le parc existant avant d'encourager de nouvelles constructions.
Dans un second temps, le gouvernement compte sur les investisseurs professionnels privés pour développer l'offre locative de logements intermédiaires. Des acteurs de l'immobilier cependant prêts à se lancer seulement si de telles opérations ne comportent aucun risque financier pour eux, c'est-à-dire à condition notamment que les taux d'intérêt des crédits immobiliers soient bas et donc que leur investissement ne leur coûte pas cher. La conjoncture actuelle ne s'y prête pas vraiment…
Une crise du logement à venir ?
Selon l'auteur de la loi Pinel, Sylvia Pinel, ex-ministre du logement de François Hollande, la fin du dispositif va avoir des effets négatifs sur la production de logements. La conséquence va être en effet que les Français vont se détourner de l'investissement immobilier.
Sans ces ménages qui investissent, et donc financent la construction de logements destinés à être loués à la classe moyenne en particulier, ces types de biens risquent de disparaitre du marché.
La construction de logements va s'en ressentir alors que l'offre locative est déjà très tendue en France.
C'est pourquoi l'ancienne ministre parle de "bombe sociale" à venir, et d'ajouter "C'est une spirale infernale, c'est très dangereux pour l'accès au logement, pour toutes ces personnes qui sont en attente d'un logement, mais aussi pour les ménages qui souhaitaient devenir propriétaires".
Cette baisse attendue de construction de logements intermédiaires due à la fin du dispositif Pinel va donc logiquement toucher le secteur de la construction, avec le risque de destruction d'emplois, et donc des conséquences sur l’économie en général.
La Fédération française du bâtiment estime ainsi que 100 000 emplois vont être menacés dans les deux ans à venir. Pour l'organisme, l'arrêt du Pinel va mettre fin à trois décennies de soutien à la construction par la défiscalisation.
Même son de cloche du côté des promoteurs immobiliers. "On programme l'arrêt du Pinel alors qu'on en a besoin", comme l'indique Pascal Boulanger, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).
Plus de dispositif de défiscalisation immobilière pour les particuliers à partir de 2025
L'annonce de l'arrêt du dispositif Pinel va aussi avoir pour conséquence que plus aucun dispositif de défiscalisation immobilière destiné aux particuliers ne sera à disposition à partir de début 2025.
Depuis 1986, en effet, les ménages qui investissaient dans le logement locatif neuf notamment ont pu sans interruption bénéficier d'avantages fiscaux grâce à la loi Méhaignerie, aux dispositifs Périssol, Besson, Robien, Scellier, Duflot, etc.
Une mauvaise nouvelle donc pour les ménages désireux de réduire leurs investissements grâce aux avantages fiscaux, mais aussi pour la construction de logements pourtant indispensables dans un contexte tendu en matière d'offres dans le parc locatif, jusqu'à là soutenue par l'épargne privée.
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